Et un deux trois Alice est née au pays des cauchemars
Je voudrais juste la rassurer...
Et un deux trois Alice est tombée dans un trou noir
Je pourrais peut être la sauver...
Mais qu'est ce qu'on a fait demain ?
Je n'me rappelle de rien.
Il y a beaucoup trop de monde autour de moi
Alice ne te retourne pas...
Charlotte - "Alice ne te re-tourne paaaaaas"
Et Charlotte fit volte-face, justement, histoire de vérifier que personne ne l'entendait chanter dans la Salle Commune à une heure aussi matinale, les écouteurs sur les oreilles. D'autant qu'elle n'était pas le genre de personnes dont on peut dire qu'elles chantent merveilleusement bien. Doux euphémisme, pensa la jeune fille en levant les yeux au ciel et en écartant de ses yeux une de ses mèches blondes et droites comme des baguettes de tambour. Peu importait, huit heures du mat', il faisait encore nuit. Nobody's here, nobody hear, songea avec un demi-sourire la Bleu et Argent, qui, d'ailleurs - oh, stupeur - avait pour une fois mis son uniforme. Solution extrême quand il ne reste rien à se mettre sur le dos. Dimanche, dimanche, dimanche. Déjà, les kilos de devoirs se profilaient à l'horizon, horizon que Charlotte décida soudain d'éloigner encore plus en attrapant sa cape fourrée et en descendant les escaliers à toute allure. Dix bonnes minutes plus tard - car il était nécessaire de compter les détours imprévus que ces volées de marches lui faisaient prendre avec, semblait-il, un malin plaisir - la cinquième année poussait de toutes les forces que contenaient ses bras maigrelets la grande porte d'entrée et foulait de ses pieds l'immense perron qui aboutissait au parc. Emerveillement. Stupeur. Pureté. Oui, c'est ça, c'était le mot qui convenait pour décrire le spectacle qui s'offrit soudain à la vue de la Serdaigle. Les environs étaient couverts d'une épaisse couche de neige, immobile, intouchée encore sous les premiers rayons du soleil qui lui faisaient prendre une teinte rosée. Soudain, des étoiles s'allumèrent dans ses yeux, par milliers, résultant de l'éblouissement que provoquait une pareille étendue de blancheur immaculée. Un nombre infini d'astres scintillants, qui semblaient squatter les deux immenses iris écarquillés à défaut de pouvoir rester dans le ciel. Charlotte n'avait plus conscience de rien, seulement de la musique, de son I-pod qui continuait à hurler la même chanson, en boucle.
Et un deux trois Alice est née dans un endroit
Un endroit qu'il ne fallait pas.
Et un deux trois Alice au pays des étoiles
Il était une fois quelqu'un comme moi...
Mais si tu me vois,
Je crois que tu grandiras
Et un deux trois Jésus Christ est tellement mort pour rien
J'espère que tout ira bien...
La jeune fille n'avait pas eu le temps de s'en rendre compte que déjà, à peine étranglée par un sentiment de culpabilité - lié à l'impression de profaner de ses pas impurs un tel paysage - elle marchait, et même gambadait à travers le parc de Poudlard, devant le soleil levant, devant le lac, au loin, complètement gelé, trébuchant et traçant dans l'épaisse couche de neige un sillon irrégulier d'empreintes précipitées. Charlotte, haletante, s'arrêta un instant. Elle reporta son attention sur toutes les traces qu'elle avait laissées. Une pensée fugitive, éphémère, traversa son esprit un peu engourdi, une idée ridicule, une lubie étrange. Lubie qui revint aussitôt à la charge. Après tout, pourquoi pas ? La cinquième année ôta ses chaussures, et ses chaussettes. Et elle était là, comme une idiote, pieds nus dans la neige, les écouteurs dépassant toujours de ses oreilles rougies. Et après ? Merde, elle faisait bien ce qu'elle voulait, après tout. Et si les autres n'étaient pas contents, qu'ils passent leur chemin. Fièvre éxubérante. Aujourd'hui, elle voulait se faire remarquer, et elle reprit à tue-tête, en même temps que ce cher Nicolas de sa voix si basse :
Charlotte - "Mais c'est qu'ici il n'y a plus de place
Pour qu'elle puisse grandir d'avantage.
Elle n'avait juste qu'un ennui
C'est de comprendre les jours de pluie
Mais je suis là..."
Solitude.
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