Chérubins & strangulots [Azzura]

Routine. Aliénante. Mangeuse de temps et d’énergie. De plus en plus, le garde chasse de Poudlard aurait tout donné pour cesser cet esclavage, auquel il avait été soumis avec son consentement, mais en étant au pied du mur. Pourtant, il ne se plaignait pas. Il aurait été très mal placé pour cela. Il marchait, marchait encore et toujours, au rythme incessant de ses tâches et de son silence. Car ses journées n’en finissaient pas de se dérouler sans aucune anicroche, sans que le moindre individu vienne lui prendre la tête un bon coup. S’il en avait été heureux au début de son engagement, il commençait à l’heure actuelle à en ressentir les effets néfastes. Les coutumes qu’il avait acquises l’avaient certainement un brin socialisé, et il lui arrivait de sourire devant une scène particulièrement amusante, de se moquer intérieurement des jeunes pousses qui gravitaient en Poudlard. Et les occasions ne manquaient jamais.

Néanmoins, aujourd’hui, ce serait lui l’objet de tous les rires. En effet, cette journée était dévolue au nettoyage des berges du lac. Travail prenant et éreintant. Il s’y était habitué, comme au reste, mais était perpétuellement rebuté. Qui savait quelle lubie prendrait les multiples créatures du lac ?! Il prendrait une douche, à coup sûr.
Râlant et soufflant, il approcha du lac, un râteau et une pelle à la main, et contempla le désastre. Tout autour de lui, des élèves se détendaient avec nonchalance, ou plongeaient leurs orteils dans le lac. A tout instant, ils pourraient chuter à l’intérieur, et il devrait faire un geste citoyen, aller les chercher. Ce serait bien sa veine.

Trêve de mauvais esprit, le jeune homme annihila toute pensée, de manière subite et inattendue, et planta rageusement son râteau dans la première motte de terre qu’il croisa. Peut être ne signerait il pas pour une année supplémentaire. Il y croyait de plus en plus mordicus.
En deux temps trois mouvements, ses cheveux furent attachés, ses manches remontées, et il débuta son office. Désherber, égaliser, le tout en pente, en prenant garde à ne pas laisser traîner sa jambe trop près de la rive. Sans quoi les strangulots se feraient un plaisir de l’attraper. Oh oui, il en avait déjà fait les frais, du temps où il était lui même élève ! Saloperies, pire que des sangsues. Et dire qu’il n’avait pas le droit de toucher à sa baguette, même en cas d’extrême urgence. Le statut de réinséré n’avait rien de grisant, c’était un fait.

Raclant, retournant, reposant, il ne fit plus attention aux élèves qui l’entouraient, et lui jetaient de temps en temps des regards intrigués, voire moqueurs, pour ce qui était de certaines jeunes recrues en provenance de Serpentard. Il allait sans dire qu’il n’avait jamais eu le moindre contact avec eux, si ce n’est avec quelques hurluberlus plus que douteux. Sa réputation d’ex bagnard n’avait pas pu le précéder, la vérité étant bien gardée, mais pour ce qui était du statut d’irascible « bellâtre », il était servi d’office.
Le temps d’un clignement, l’un de ces fameux chérubins, visiblement de Serpentard, vint à sa rencontre. Fier et hautain, il se posta face à lui, et lui adressa la parole sans aucun respect, ce que la plupart des adultes n’auraient pas supporté. Mais Ahren était à des lieues de ça, possédant un âge relativement proche de celui des élèves.

« Comment peux tu te résoudre à jouer aux concierges ? »

Le garde chasse ne put que feindre l’amusement, face à une question si bête. Après avoir posé son râteau sur le rebord, il adressa un regard énigmatique à l’enfant, aussi blond qu’il était brun, et lui répondit avec une once de cynisme dans le ton. On ne changeait pas les habitudes durement acquises.

« Pour occuper les enfants de ton espèce, bien sûr. Il faut bien que quelqu’un te prépare ton terrain de jeu, tu ne crois pas ? »

L’attaque était feinte, mais l’enfant tomba automatiquement dans le panneau. Il ne devait pas dépasser les 11 ans. Jouant des bras et des coudes, il tenta d’attaquer l’Übermühlen, qui éclata d’un rire sonore, comme il n’en avait pas eu depuis des années. Puis, attrapant le chérubin par les bras, il le rapporta hors de portée de l’eau, lui ébouriffa les cheveux, et reparti à son office, un mince sourire sur les lèvres. L’enfant ne demanda pas son reste, et partit se plaindre à ses confrères, sûrement.

Seulement, l’anecdote avait déconcentré Ahren, qui ne vit pas les minces ondulations du lac. Quelques secondes plus tard, de fines tentacules lui saisirent une jambe, et il eut tout juste le temps de hurler avant de tomber à l’eau, entraîné par les strangulots. Ce n’est que quelques secondes plus tard, après avoir asséné de multiples coups aux créatures, qu’il réapparut à la surface, et retrouva la rive. Si l’enfant avait toujours été dans le coin, il aurait eu sa vengeance, bien malgré lui !
Assis sur la rive, dégoulinant d’eau et d’algues, Ahren lâcha un juron avant de s’étaler totalement sur le sol, tâchant par ce biais de faire sécher ses vêtements. L’ayant eu une fois, les strangulots redoubleraient d’agressivité, à l’avenir. La journée promettait d’être longue, longue…

Un réveil sonne au loin dans la tour des Gryffondor, un réveil faisant une musique insupportable, il sonna quelques instants puis une main s'abattu sur le haut ce qui fit stopper la sonnerie infernale. La personne se retourna dans son lit une fois, puis deux, puis comprenant qu’elle ne retrouverait pas le sommeil, se décida à sortir des draps chauds et moelleux qui chaque nuit depuis six ans l’accueillaient. Le soleil filtrait à travers les petites fenêtres du château, une d’elle vint chatouiller le nez d’une jeune fille. Cette dernière avec les cheveux en pagaille, les yeux bouffis, elle s’étira rapidement puis se mit debout aux cotés de son lit. Les autres filles dormaient encore, aucune n’avait été réveillée par la sonnerie infernale, la demoiselle poussa d’ailleurs un soupir de soulagement. Elle passa une main dans ses cheveux puis se dirigea vers une armoire où elle avait mis ses vêtements, elle sortit son survêtement, un pull et un t-shirt. Ce matin elle allait courir, comme chaque matin d’ailleurs. Chaque jour de la semaine elle se levait trois quarts d’heure plus tôt pour pouvoir courir une demi-heure, ensuite elle prenait une bonne douche bien chaude et allait en cours en pleine forme. C’était un rituel qu’elle aimait pratiquer, elle faisait cela depuis qu’elle avait découvert que les rives du lac de Poudelard étaient très silencieuses le matin, contrairement à l’après midi. La belle italienne était quelqu’un qui prenait vraiment soin d’elle, elle aimait le sport en tout genre, elle voulait d’ailleurs s’inscrire dans l’équipe de Quidditch de sa maison, mais elle n’avait pas eu vraiment le temps de réfléchir mûrement à cette idée, c’était pourquoi elle ne l’avait pas encore fait. La jeune femme s’habilla doucement et dans le plus grand calme afin de ne pas réveiller ses camarades, elle attacha ses cheveux à l’aide d’un élastique et d’une grosse pince. Ensuite elle laça ses chaussures et sortit de la pièce sur la pointe des pieds.

Elle était déscendue dans l'espoir de trouver un autre lève tôt, ou bien un autre adepte de sport. Mais il n'en était rien. Tout le monde dormait encore. Elle sortit alors de la salle commune et se dirigea à pas vifs vers le hall, ensuite elle sortit et prit son habituel chemin, se rendant vers le parc. Il était environ huit heures, et on était dimanche. Elle partirait de l'autre coté puis resterait là bas quelques temps. Elle partait tous les dimanches dans les alentours du chateau pour une heure ou deux. Faisant un peu de gym en plus de son jogging, ses étirements, etc... . D'ailleurs, quand elle revint, le soleil était déjà bien chaud, et beaucoup d'élèves se trouvaient déjà au bord du lac. Azzura s'asseya sur le bord, elle ne voulait pas encore rentrer. Le soleil était bon, chaud. Il y avait de l'agitation mais cela ne la dérengeait pas. L'italienne se mit à réfléchir. A tout et à rien. Ce qui la retenait encore ici. Elle aurait pu partir. Avec ses notions de français elle pouvait aller à Beauxbatons si elle le désirait. Là bas elle pourrait recommencer à zéro. Mais cela ne semblait pas possible. La jeune femme entendit des rires. Elle se demandait ce qu'il pouvait bien se passer. Elle se releva et se dirigea plus au bord du lac. Elle constata que le concierge travaillait, et elle ne voyait pas en quoi cela était drole. Elle remarqua alors un groupe de Serpentard. Des premières ou deuxièmes à en juger par leur taille. Elle secoua la tête lassivement. Soudain elle entendit un cri, des strangulots s'étaient emparés du jeune concierge, et cela fit rire les quelques personnes qui se trouvaient là. Azzura leur lança un regard qui en disait long sur ce qu'elle pensait, lorsque le jeune homme ressortit de l'eau elle se dirigea vers lui, inquiète.

Azzura murmura :- Vous allez bien?