C’est en sautillant que William entra dans le parc, arborant un sourire que certains pessimistes auraient qualifié de niais. Bah, il fallait les laisser ces imbéciles, ils ne comprenaient rien à l’art.
Il avait longuement hésité quant à l’attitude qu’il adopterait aujourd’hui et avait passé un long moment à se regarder dans une flaque d’eau, se rapprochant de plus en plus du liquide au fur et à mesure qu’il examinait son image. Ce n’est que lorsque son nez avait touché le miroir improvisé, qu’il s’était redressé et avait pointé son reflet du doigt avant de s’exclamer :
« Narcisse, tu me perdras ! »
Non, il ne se sentait pas d’humeur à être malheureux, ni énervé d’ailleurs.
*Se sentir d’humeur à être malheureux…voilà quelque chose d’intéressant. Il faudra que j’en parle au chat de Cheshire un de ces jours. L’ennui avec lui c’est qu’on ne sait jamais lorsqu’il est là.*
Et là-dessus, un sourire en coin, il s’était retourné brusquement comme si quelqu’un le regardait perché dans un arbre ou comme si un lapin allait surgir d’un instant à l’autre en marmonnant : « J’suis en r’tard, j’suis en r’tard. J’ai rendez-vous quelque part ».
Mais rien de tout ça ne se produisit et, déçu, il prit une moue boudeuse avant de se retourner et de marcher droit devant lui.
Pour une fois, il s’était plutôt convenablement habillé : il portait un jean légèrement délavé, des tennis noires tout à fait basiques et un T-shirt blanc.
Néanmoins, il avait dessiné un point d’interrogation sur sa joue droite et avait accentué son sourire par deux traits fins au coin des lèvres.
Mais il ne savait toujours pas qui il était aujourd’hui et cela commençait à l’agacer. Et pourtant il n’était pas agacé sinon il aurait automatiquement su ce qu’il était.
Laissant son raisonnement absurde de côté, il décida de demander à la première personne qui viendrait ce qu’il était.
Amy Smith s’avéra être cette première personne. La jeune fille mâchonnait nonchalamment un chewing-gum et marchait droit devant elle avec cette air hagard qui signifiait : « Je ne sais pas pourquoi je marche. »
Lorsqu’elle vit approcher du coin de l’œil un espèce d’excentrique à moitié maquillé, elle accéléra le pas.
« Excusez moi mademoiselle mais qu’est-ce que je suis selon vous ? »
Elle lui jeta un regard méprisant avant de répondre :
« Vous êtes fou… »
William éclata de rire.
« Oui bien sûr mais ne tombons pas dans les banalités voulez-vous, quoi d’autre ? »
Amy leva les yeux au ciel avant de dire :
« Un imbécile heureux sans doute, allez foutez moi la paix ! »
Et elle partit, laissant William seul face à La révélation. Mais bien sûr ! Il était heureux. Et s’adressant à elle comme si elle était encore là :
« Evidemment, que n’y ai-je pensé plus tôt, êtes-vous devin ? »
Mais comme il s’aperçut enfin que Madame Irma avait également les dons de disparition de David Copperfield, il continua à nouveau sa route, se dirigeant cette fois vers une fontaine au milieu du parc, avec en tête une chanson tout à fait appropriée à la circonstance.
Il chantonnait donc « Hello beautiful day », regardant d’un œil émerveillé le ciel devenir plus bleu que bleu et le soleil plus brillant encore, comme un météore éclatant près à descendre sur terre au moindre signe de sa part, lorsque soudain quelque chose attira son attention.
Quelque chose ou pour être plus exact quelqu’un, mais pour lui y avait il réellement une différence ?
Une jeune fille était assise sur un banc semblant partagé sa joie de la beauté retrouvée, même si pour lui ce n’était que pour une éphémère journée. Il s’approcha en posant ses pieds avec précaution sur le sol comme pour ne pas faire remarquer sa présence. Pourtant, il faisait du bruit et s’en rendait bien compte. Il approcha son visage de la joue droite de la jeune fille qui lui tournait toujours le dos, souffla légèrement sur son oreille avant de se déplacer du côté gauche avec rapidité.
Puis, se tenant à nouveau droit, il tendit une main au sein de laquelle se trouvaient quatre cartes, dont on ne voyait que la couverture et qui ressemblaient vraisemblablement à des cartes de tarot.
« Vous plairait-il de tirer une carte par une si belle journée mademoiselle ? »
Il pencha légèrement la tête de côté avec un air énigmatique sur le visage.