~*~ Le silence des mots ~*~

Nous étions déjà au début du mois de juin, la pluie avait envahit l’extérieur et s’abattait continuellement contre les vitres du château. L’année était presque terminée et pourtant pour lui rien n’avait vraiment changé. Il restait toujours solitaire, en retrait. Non pas parce que les autres le mettaient à l’écart mais tout simplement parce qu’il s’isolait lui-même. Il n’avait besoin de personne ici, il avait Llew et c’était tout ce qui comptait vraiment. Sa petite sœur l’avait rejoint et ils passaient plus que jamais du temps ensemble, enfermé dans ce monde qui n’appartenait qu’à eux seuls. Monde pour lequel personne d’autre n’avait la clé. Mais Chut…. C’était un secret.

Difficile et rare donc de voir les deux adolescents l’un sans l’autre ! Pourtant, quand la porte de la bibliothèque fut ouverte, il n’y avait qu’une seule main sur la poignée. Un seul être derrière son bois. Oui, il y avait juste Ely, ses yeux gris à demi dissimulés par ses cheveux sombres, en bataille comme toujours, indisciplinés. La raison de sa solitude ? Il était à peine sept heure trente et Llew dormait encore paisiblement, n’ayant pas voulu la réveiller, Ely avait décidé qu’il irait la chercher plus tard. Après tout quel élève normalement constitué se serait levé si tôt un samedi matin ? Aucun ? Tant mieux, il serait ainsi seul pour penser ! Et pour réduire encore ses chances de tomber sur quelqu’un, le jeune Adams s’était rendu la bibliothèque. Lieu calme et surtout –le plus important à ses yeux- incarnation de l’enfer pour plus de la moitié des élèves, pour son plus grand plaisir.

D’un pas nonchalant, presque las, le jeune homme pénétra dans ce lieu qu’il affectionnait tant… L’odeur du papier ancien, la disposition des étagères, la quantité astronomique du livre, la tranquillité, le mystère que dégageait cet endroit… Si cette scène c’était produite un autre jour, sans doute cela lui aurait-il arraché un sourire mais les fantômes qui l’avaient rattrapé cette nuit ne lui en laissaient pas le loisir. Le souvenir d’Ana avait ressurgit une fois encore, troublant le peu de sérénité qu’Ely avait, au fils du temps, réussit à regagner.

Sentant l’image de la petite fille revenir malgré lui, le jeune garçon secoua vivement la tête. Non, pas maintenant, ce n’était vraiment pas le moment ! Ne supportant que très mal que sa mémoire lui fasse des tours, il laissa un son s’échapper de ses lèvres, pincées par l’agacement :

Abysse “Tsssssssk”

Pour parer à ses souvenirs, Ely accéléra l’allure et se saisit du premier livre qui fut à porté de sa main, et l’heureux élu fut : Le violon, d’Anne Rice. Un classique de la fantastique et une écrivain qu’il appréciait énormément pour son style et l’univers étrange dans lequel ses personnages évoluaient. Au moins, cela aurait le mérite de lui faire passer le temps non ?

Haussant simplement les épaules en observant la reliure de sa trouvaille, Ely se frotta les yeux, encore engourdis par le sommeil manquant. Il dormait peu ces jours-ci, très peu à vrai dire et cela se ressentait sur sa forme physique. Cernes, pâleur macabre (si tant est qu’il puisse être plus pâle que naturellement), et traits tirés étaient au rendez vous. Ajoutons à cela sa silhouette décharnée et son regard meurtrier et vous obtiendrez un Ely peu fréquentable ! Recette magique pour faire fuir à tous les coups les autres élèves !

Sans attendre d’avantage, il se dirigea vers le fond de la bibliothèque, près de la fenêtre et se hissa sur son rebord. D’ici, le (ou la ?) bibliothécaire ne pouvait pas le surveiller, et il pouvait donc s’installer tranquillement pour se plonger dans ce labyrinthe de mots et de lignes. Ce qu’il fit rapidement. A la fin du premier chapitre, il avait relevé ses genoux contre sa poitrine, ce qui lui donnait – a son grand damne – un air presque frêle, et semblait d’ores et déjà fasciné par le personnage de Stephen Stefanovsky. Gare à ceux qui oseraient le déranger !